Transcription de l’interview accordée au Coordonnateur de SOJAGNON-ONG par Frisson Radio relative à la décision du non plafonnement du prix de certains produits agricoles prise par le gouvernement du Bénin.

Transcription de l’interview accordée au Coordonnateur de SOJAGNON-ONG par Frisson Radio relative à la décision du non plafonnement du prix de certains produits agricoles prise par le gouvernement du Bénin.

Frisson Radio : Monsieur SEWADE, la question relative à la mesure prise en conseil des ministres hier (NDLR, Mercredi 22 Décembre 2022) fait objet de quelques appréciations et donc nous avons bien voulu savoir quelle était la position des acteurs comme vous et notamment sur la filière soja.

  1. Le Gouvernement a pris la décision de ne plus homologuer les prix plancher de certains produits agricoles. En tant qu’un acteur clé d’une des filières, qu’est-ce que vous en pensez ?
  2. Comment vous réagissez à cette décision ?
  3. Le fait de ne pas encadrer les prix ne va-t-il pas donner lieu à trop de spéculation ?
  4. Est ce qu’il n’y aura pas des revers à cette décision ?

Coordonnateur SOJAGNON : Je voudrais vous remercier pour l’opportunité que vous nous donnez pour nous exprimer sur le sujet et opiner sur les fondements de cette mesure et ces implications.

D’abord je voudrais remercier le gouvernement et surtout son chef, le Président de la République son Excellence Patrice TALON pour cette attention particulière au secteur agricole et surtout à la filière Soja.

Dans l’histoire du Bénin, vous allez tous constater avec moi que pendant ces cinq dernières années, nous avons connu une certaine préoccupation liée à la volonté de voir émerger les filières agricoles ; l’ensemble des filières agricoles et surtout la filière soja en diversification avec les autres filières. Cela a fait l’objet de plusieurs mesures qui permettent de mieux apprécier cette bonne perception des autorités politiques qui ont en charge la gestion économique et sociale de la cité.

Je voudrais d’abord fait cas de cette mesure prise pour encourager les exportations avec l’accord signé entre les gouvernements béninois et celui chinois et ouvrir le marché du soja vers le monde. Les résultats des exportations ces dernières années ont montré que nous avons fait de bonnes prouesses en termes d’exportation et de positionnement de nos produits de marque sur les marchés internationaux.

Je veux aussi saluer l’attractivité des acteurs, des opérateurs privés qui s’investissent pour la transformation locale du Soja en ces dérivés qui est vraiment encouragée par le gouvernement en place à partir de toute la chaine industrielle en construction à Glodjigbé et l’appui donné par certains projets programmes aux acteurs via le ministère de l’agriculture qui encourage la promotion des chaines de valeur de la filière du soja.

Je voudrais aussi noter que de part cette embellir du marché national, régional et international, et des volumes que nous avons exporté du Bénin vers le monde, il était quand même question de voir comment cette filière peut financer l’économie béninoise à travers les taxes à l’exportation et notamment financer l’encadrement, la recherche agricole, l’approvisionnement des intrants spécifiques du soja et soutenir le développement local.

Et c’est là j’ai compris que le gouvernement a vu juste de plafonner les exportations, tout en priorisant l’approvisionnement en priorité des industries locales et les transformateurs locaux. Il a fixé une taxation pour que les grosses quantités du soja qui sortiraient du Bénin pour le marché international puissent contribuer à financer le développement, à financer les biens et services que les acteurs agricoles doivent utiliser pour leurs productions.

Il se fait que de ces mesures, nous acteurs agricoles producteurs, transformateurs, commerçants, entrepreneurs et exportateurs, étions réunis autour du sujet au niveau du ministère de commerce pour étudier et nous entendre sur le bilan de l’année 2021-2022 et faire des projections sur la campagne présente (2022-2023) puis nous entendre sur le prix minimum auquel le soja grain sera acheté aux producteurs.

Je vous confie que ce sont les acteurs, nous producteurs, transformateurs, commerçants, et acheteurs individuels qui avions discuté et obtenir entre nous un prix que nous avions proposé au gouvernement. Nous avons soumis au gouvernement pour pouvoir l’officialiser (homologuer en conseil des ministres).

Pour rappel, c’est la quatrième fois que nous sommes dans cet exercice pour la filière Soja. D’autres filières étaient bénéficiaires de cette disposition depuis plusieurs années déjà.

Mais pour la première année 2018-2019, nous avions discuté et obtenus entre nous acteurs agricoles, un prix que nous avons soumis au gouvernement : prix plancher de 175 FCFA le kilogramme de Soja grains, et cela avait fait l’objet du lancement officiel pour la première de la campagne de commercialisation du soja grain. Cela c’était passé à Glazoué. Il y a de cela quatre ans !

Pour la campagne 2019-2020, nous avons estimé que le niveau d’investissement dans la production du soja au niveau des producteurs pour avoir un compte d’exploitation un peu élevé, n’as pas été très influencé, et que le même prix de la campagne précédente pouvait être reconduit soit 175 FCFA le kilogramme pour la deuxième campagne.

Pour la troisième campagne 2020-2021, les données ont changées avec la pandémie de la COVID-19, avec la rareté de certains biens et services de productions : la mains d’œuvre et les intrants agricoles, les semences qui étaient rares et qui avaient un prix très élevés ; nous ont amenés à réviser ce prix pour nous entendre sur le prix de 190 FCFA le kilogramme que nous avons aussi soumis au gouvernement pour son appréciation et son homologation en conseil des ministres pour que ça reste un instrument valide et officiel. Prix en dessous duquel aucun producteur ne peut céder le soja.

Cette campagne 2022-2023, nous avons aussi fait le même exercice au sein de la commission et avons retenue de reconduire le prix de l’année dernière comme les paramètres, les situations restent toujours les mêmes.  La crise de la COVID-19 avec ces effets qui continus, les prix de cession des intrants et autres, le compte d’exploitation des exploitants agricoles affichait les mêmes contraintes et nous avons ensemble avec les acteurs industriels et exportateurs convenue de reconduire le prix plancher de cession du soja grain à 190 FCFA le kilogramme.

Pour appel l’année dernière quand on a obtenu le prix de190 FCFA le kilogramme, les prix ont augmenté sur le marché et nous avons atteint un maximum de 500 FCFA le kilogramme de soja grains vendu sur le marché à l’intérieur du pays à Kérou, à Matéri, à Tanguiéta, à Kandi, à Glazoué, à Dassa, à Aplahoué, à Djakotomey : nous avons obtenu une belle évolution du prix, un bon mouvement du prix. Ces prix pratiqués ne se sont pas limités à la référence plafonnée de 190 FCFA le kilo. Les prix ont été très dynamique !

Cette année, le prix plancher de 190 FCFA le kilogramme, que nous avons obtenu et qui a été validé par le gouvernement a rencontré quelques difficultés de mise en application sur le terrain à partir de la période de lancement de la campagne de commercialisation.

Etant entendu que le gouvernement avait déjà pris une mesure pour interdire les exportations à partir de l’année 2023 et qu’il avait des mesures par rapport à l’exportation officielle du produit et à la fermeture des frontières, les quelques acheteurs du produit, se voyait un peu limité par rapport aux opportunités qu’ils ont sur l’offre et la demande du produit. Parce que ce disant, ils n’ont plus d’ouverture pour pouvoir exporter le produit et avoir des prix très rémunérateurs. Nous avons de façon un peu séparée, (ce qui montre un peu la faiblesse de nos organisations au niveau structurel), fait des plaidoyers, des rencontres avec les responsables du ministère du commerce, du ministère de l’agriculture et même par d’autres couloirs pour que le gouvernement puisse entendre nos cris de cœur, le cri de cœur des acteurs agricoles, les producteurs, les transformateurs…

Ces initiatives ont permis la levée de la mesure d’interdiction d’exportation par le gouvernement en conseil des ministres. Tous les acteurs agricoles que nous sommes avons poussé un ouf de soulagement. C’est libéré mais quelques semaines plus tard, nous avons compris qu’au niveau gouvernement, au niveau politique, la belle appréciation de la situation, l’écoute attentive des acteurs agricoles pour permettre aux producteurs de vendre aux meilleurs prix et rentabiliser leurs exploitations, n’a pas reçu le même écho au niveau de certains acheteurs-exportateurs. Certains se basant sur le relevé du conseil des ministre qui a homologué le prix plancher de 190 FCFA, bloquent le niveau des prix lors de leur achat des produits et ils disent que c’est à 190 FCFA qu’ils achètent, et ils prennent copie du décret et du relevé du conseil des ministres pour brandir aux producteurs, pour dire qu’ils ne peuvent qu’acheter à 190 FCFA, à la rigueur ajouter 10 FCFA le Kilo.

Personnellement nous avons diligenté des missions sur le terrain, nous sommes passés dans 14 communes et avons constaté que c’était un désastre. Il y a un abus de pouvoir de ces acheteurs, ces acheteurs internationaux soit ce sont souvent des démarcheurs, des intermédiaires ou des commissionnaires qui achètent pour des firmes ou des sociétés ou des entreprises qui font de la spéculation de l’information et ils font de la désinformation pour escroquer et pénaliser les producteurs au bas prix, au lieu de faire exprimer la notion du prix plancher, le prix en dessous duquel on ne peut pas acheter. Ils estiment que le prix plancher, c’est le prix bloqué et c’est le gouvernement qui a décidé.

Cette situation semble gêner les acteurs agricoles. Ces derniers ne peuvent pas vendre leurs productions aux meilleurs prix pour faire face à leurs différents défis, défis de paiement des tranches scolaires pour les enfants, le défi de payer des médicaments après la vente de leurs produits, pour subvenir aux soins de santé de leurs enfants, le défi de pouvoir faire d’autres approvisionnements pour les fêtes de fin d’année. Et parce qu’il faut vendre son sac de soja à un certain prix rémunérateur, pour pouvoir acheter les autres intrants. Aussi, le défi de vendre le soja pour avoir de la ressource pour faire les autres opérations de récoltes pour les autres spéculations comme le coton et autres. Le soja étant payé cash et l’argent permet de payer le manœuvre qui est au champ et qui fait la récolte.

Donc, ces grands défis nous interpellent, nous amènent à dire mais pourquoi ça ? Le prix plancher, et les gens donnent de mauvaises informations, sur ces prix planchers ainsi ?

Ceci était une situation très pénible pour les acteurs agricoles et un mois après le lancement de la campagne, les prix n’ont pas bougé et puis les acheteurs font du blocage sur le prix et disent : nous n’allons pas pouvoir acheter plus parce que c’est ce que le gouvernement a dit. La dernière mesure du gouvernement du 21 décembre 2022 a élevé le prix plancher sur le soja.

Nous sommes en train de perdre un acquis, çà il faut le dire. Il faut l’avouer, c’est un acquis, le prix plancher que nous obtenons depuis des décennies et qui est une règle qui régule et qui justifie la pertinence de la rentabilité économique plafonnée de la spéculation.

Cette mesure nous permettra d’expérimenter aussi une autre manière de faire et le libre marché, mais tout en étant très vigilant pour que le prix que nous avons à proposer aux commerçants, aux acheteurs ne soit pas toujours en deçà du coût d’équilibre de notre production, de nos investissements aux champs.

Mais aujourd’hui, les acteurs agricoles ne sont pas suffisamment outillés pour ça. Les organisations professionnelles ne sont pas très structurées, très organisés. Dans la filière soja, nous sommes en début de structuration.

Il y a la faitière des producteurs qui est en train d’être mise en place, la faitière des transformateurs se prépare à être mise en place, certainement d’ici début janvier. Et nous devons faire des avancées pour mettre en place l’interprofession et avoir un interlocuteur direct auprès de l’Etat, et auprès de tous ces acheteurs nationaux, régionaux et internationaux qui devant lesquelles nous pouvons constituer un poids de dialogue, de discussion, parce qu’aujourd’hui, le marché du soja, la production du soja et sa commercialisation n’est pas vraiment huilé, n’est pas aussi structuré comme la filière coton par exemple.

La commercialisation primaire du soja est encore à l’étape de non organisée. Il faudrait que nous allions vers les structures d’organisation qui permettent à chaque commune d’avoir de bons magasins dans lesquels ils regroupent la production, et que l’acheteur vienne devant le magasin et discute le prix auquel on lui vend le soja. Au risque de ne pas tomber dans le travers de ces spéculateurs, de ces commerçants qui vont se dire que le marché est libre et même aller tenter d’acheter en deçà même des coûts de production.

Nous avons déjà dépassé certains prix, il ne faudrait pas que ces acheteurs qui doivent encourager la dynamique production et vente, viennent décourager l’initiative des acteurs agricoles.

Donc, le soja étant très diversifié, nous comprenons qu’il faudrait que le pouvoir de négociation de nous acteurs agricoles, nous organisations socio-professionnelles soyons très affuter. L’état doit nous accompagner dans notre structuration, dans nos réformes de structuration pour que nous soyons une interprofession forte avec une capacité de négociation forte, avec un lobby fort et que l’état reste attentif à nous et nous écoutent. Qu’il nous pose des questions et qu’il reçoive nos préoccupations pour les exprimer en mesure, en décision et en acte qui va en faveur des acteurs agricoles qui sont les maillons les plus faibles.

Voilà ce que je voudrais partager. La mesure elle n’est pas mal, on va l’expérimenter. Elle permet de lever l’équivoque sur les désinformations qui pensent que le prix est de 190 FCFA, ce n’est que çà, le prix doit bouger. La dynamique du marché doit continuer, la dynamique doit être une dynamique qui permet aux producteurs de vivre de son effort et de vendre la qualité de son produit pour que l’image du Bénin et l’image à travers les statistiques à travers les informations soit une image belle dans l’environnement et dans l’écosystème agricole.

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